mercredi 11 juin 2008

De la difficulté d'en avoir deux

Comme ça on se dit que ça va être dur de gérer deux enfants au niveau rythme de vie et organisation... Et finalement, on s'organise. Pour notre part, Gilles a pris une part bien plus grande dans la vie de Lucile et ils forment maintenant un couple père-fille parfaitement rôdé. Pour les douches, les repas, les sorties, on jongle entre l'un ou l'autre des deux parents et les deux bouts de choux sont alternativement délaissés avant de redevenir le centre de l'action.

On s'engoisse aussi sur la jalousie du plus grand. Oui, ça c'est sûr, on ne peut assurer la même disponibilité par enfant qu'avec un seul. Mais Lucile semble comprendre aisément que l'arrivée d'un bébé provoque des chamboulements qu'il faut inclure dans la vie quotidienne et elle parait accepter notre baisse d'attention à son égard. Elle en profite pour faire des choses "toute seule comme une grande". Et hormis une recrudescence de cauchemars qui la réveillent en pleine nuit, nous n'avons pas de régression au niveau propreté ou alimentation.

Non, après un mois et demi de vie à 4, ce que je trouve le plus dur, c'est de ne pas culpabiliser pour Jonas. Parce que finalement, c'est lui le plus délaissé dans l'histoire.

Premièrement parce que, pour ne pas créer de jalousie pour Lucile, on s'est refusé toute "gagatisation" avec Jonas. Du coup, pour ne vraiment pas donner l'impression à Lucile qu'on n'avait d'yeux que pour le bébé, on ne lui parlait que peu, on ne le stimulait pas trop, on ne passait pas nos soirées à lui faire des papouilles... Et du coup, nous voici tous désarmés devant son premier sourire ! A-t on le droit de lui répondre ? Bien sûr et il le faut ! Mais comment Lucile va-t elle le prendre ? Comment parler à un bébé devant son grand enfant quand on lui a toujours parlé normalement ? Comment lui faire comprendre qu'il est normal de s'émerveiller devant un sourire grimaçant ou un mouvement de bras désordonné d'un bébé alors qu'on ne s'extasie plus devant les millions de choses qu'elle perfectionne chaque jour ? Je n'arrive donc pas à communiquer normalement avec Jonas. Rien de spontané. Toute émotion semble passer auparavant par la case "cerveau". Et de l'amour mesuré, c'est franchement pas de l'amour.

Deuxièmement, quand on en a deux, on a le choix. On a le choix de l'age qu'on préfère. Et si on n'a pas spécialement d'atomes crochus avec les nourrissons, et bien, c'est dur de s'en occuper avec amour alors qu'on préfèrerait passer notre temps à inventer des histoires ou faire des constructions avec la grande. C'est chiant à mourir de chanter tout en berçant un enfant à longueur de journée. C'est ridicule à souhait de répéter inlassablement "Il est à qui le beau sourire, hein ? Hein ? Il est à qui ? Eh oui. Eh bin oui."
Lorsque Lucile était petite, tout était nouveau et chaque jour on la voyait grandir, se projetant dans le futur encore inconnu. "Waouh c'est génial, elle arrive à faire ça. On va pouvoir faire ça et ça avec elle maintenant !"
Là, à chaque progrès de Jonas, au lieu de s'extasier sur le chemin parcouru, je mesure celui restant à parcourir avant de pouvoir en profiter pleinement. "Eh non mon cœur, tu ne peux pas encore faire ça. Ça c'est pas avant X mois." Et pourtant, dieu sait qu'il en fait des progrès de manière fulgurante. Mais je ne sais pas quoi lui dire, je ne sais pas comment l'occuper. Je ne sais pas quoi faire en dehors de lui donner le sein et le changer. Tu m'étonnes qu'il grossi bien : il a du lait au lieu d'avoir des câlins.

Bref, si on peut appliquer le proverbe du forgeron à l'amour "C'est en aimant qu'on devient amoureux" Et bien, moi je n'arrive pas à amorcer la pompe : je n'aime pas les nourrissons et je n'arrive pas à me laisser aller à l'aimer tout simplement comme mon fils.

Alors, est-ce que c'est tout ce désamour qui le rend pleureur ? Est-ce qu'il est malheureux de ne pas pouvoir nous ré-émerveiller ? Finalement, c'est ça le plus dur : de ne pas être sûre d'aimer suffisamment un petit être qui est incapable de se plaindre. De ne pas arriver à s'investir dans cette nouvelle relation avec naturel. En fera-t'on les frais d'ici quelques années ? Sera t'il moins fort, moins beau, moins sociable à cause d'une mère trop distante ? Développera t'il une image faussée des relations entre les personnes ? Les fameuses coliques sont-elles tout simplement le reflet de cette souffrance ?

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Best post ever.

Avec ce post.

Je suis fan.

Mariette a dit…

Je savais bien que tu étais adepte de la "prise de tête". Ca tombe bien, moi aussi* !

* Sans que cela ne relève de la psychiatrie ou de la dépression, hein, les autres ? Non mais je vous vois venir... Ils m'ont déjà fait le coup à la maternité : si vous doutez, c'est forcement la dépression qui vous guette. Pour être heureux, faut surtout pas vous poser de question.

Mariette a dit…

D'ailleurs, tout va bien depuis deux jours avec Jonas (je vais finir par croire qu'un blog sert aussi à exorciser "le mal" !).
C'est du coté de Lucile qu'on bug ! Mais je vais bientôt vous exorciser ça dans un nouveau post.

Jonas

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